guerre et paix

Guerre et Paix

« Dans la vie il faut se battre ! », « La guerre économique fait rage ! », « Les victimes du mondialisme et de la globalisation sont légions ! », « les classes sont en lutte, ouvriers/patrons, privé/public, banlieue/ville », « papy boomer/baby looser », « droite contre gauche », « riches contre pauvres », « imaginaire contre raison, cerveau droit ou cerveau gauche », « hommes contre femmes », « finance contre industrie »…
Les métaphores guerrières ne sont plus réservées aux glorieux massacres que représentent les guerres authentiques qui tuent des femmes, des hommes et des enfants tétanisés de terreur. Non la société toute entière jusqu’à l’individu est mentalement organisée autour du combat. Ces combats méritent d’être livrés pense-t-on, pour qu’enfin un jour, justice et harmonie règnent dans les vies.
Alors on cherche frénétiquement les hordes qui se livrent de si terribles exactions. De building en usines, traversant les commerces, piétinant les petits, étranglant les artisans, qui sont ces terribles guerriers qui partout à travers le monde forcent l’honnête et faible consommateur à acheter des produits symboles d’exploitation et chargés de misères ? Où sont-ils ces bourreaux qui nous obligent à donner trente cinq heures hebdomadaire de notre précieux temps pour accomplir leurs funestes projets. Stoppons-là ces pillards qui dévastent, tels des crickets affamés, les belles richesses de notre planète !
Tout groupe social différent de celui auquel on s’identifie est un ennemi (le méchant), qui devient alors le bouc émissaire idéal qui devra un jour expier ses fautes, libérant ainsi l’oppressé parce qu’il devient à son tour oppresseur. Tel est semble-t-il notre choix, bourreau anonyme ou victime anonyme en revanche, tous esclaves du système marchand.
La chasse aux méchants s’avère en générale très instructive aux justes. Car de bureaux en usines, de commerçants en artisans, on ne rencontre que des gens, plein de gens, des milliards de gens à la fois uniques et semblables. Oui parfois, on croise un méchant qui harcèle et martyrise pour son propre plaisir, mais pas de cohortes, pas de légions, pas de corps d’armée organisé au service du mal. On ne rencontre que de simple gens qui ne savent pas les pauvres à quel point ils sont nuisibles à leur propre monde.
Alors sommes-nous tous devenus simples d’esprit, victimes aveugles de terribles marionnettistes qui font de nous de pitoyables guignols ? Ou, ces idées colportées par l’habitude et la paresse intellectuelle ne sont-elles que reliquats de pensées archaïques darwino-marxistes mal digérées ?
Que signifie au XXI° la survie du plus apte ? Qui compose les classes sociales dans des économies de salariés, cadres dirigeants, supérieurs, cadres ordinaires, cadrillons et cadrillonnes, technico et techniconnes, de contre maître et de contre les maîtresses, d’artisans et artisanes du monde ?… Tout cela mérite d’être réexaminé. Peut-être doit-on considérer les fonds de pension et autres intermédiaires financiers comme la nouvelle classe capitaliste qui oppresse, par ses exigences de profit ? Par notre humble épargne, confiée à notre banquier, nous serions devenus nos propres oppresseurs ? Mais alors qui va-t-on sacrifier sur l’autel de la rédemption ? A qui va-t-on demander réparation du préjudice ? Dois-je brûler mon chargé de clientèle ?
Tout ceci n’a aucun sens. Peuples du monde réfléchissez ! Certes l’échange marchand est amoral, c’est-à-dire ni moral ni immoral, ce n’est qu’un moyen comme le marteau est un moyen d’enfoncer un clou. Dois-on pour autant interdire les marteaux au prétexte que de tant en tant on se tape les doigts ?
Stephen Hawkins physicien en chaise roulante n’était pas le plus apte pour représenter la grande Bretagne au cent mètres, il a fait un excellent Prix Nobel. Michel Petrucciani, notre pianiste nain n’était pas prédisposé à une carrière de basketteur, alors il a enchanté les mélomanes du monde entier. Qui est le plus apte, dans nos sociétés complexes ? Chacun est tributaire d’une multitude d’autres qu’il ne connaît même pas.
Qui est au fond notre pire ennemi si ce n’est nous-même, avec nos faiblesses et nos orgueils, nos compromis quotidiens, notre cynisme, notre indifférence, nos remords ravalés, et nos fragiles bonnes consciences ? La première chose à faire n’est-elle pas de nous réconcilier avec nous-même ? Après tout, chacun de nous n’a que quelques décennies d’existence, nous sommes tous des héritiers ou des déshérités de notre famille, de notre nation, de notre culture, de notre religion, de notre espèce même qui lègue ses gènes. Rien ne nous oblige à considérer notre vie comme un combat contre l’autre ou les autres et quels autres ?
A appeler un bœuf un œuf on finit par de plus savoir discerner l’un de l’autre. A voir la guerre partout, on en oublie le sens et la réalité : la peur, la mort ; le deuil ; le vol, le viol, la maladie, le martyr, la misère, la faim, la soif, la fatigue, la peur, l’exode et la destruction. Halte aux combats imaginaires et aux luttes virtuelles, la réalité de nos sociétés comme de biens d’autres est la paix. Cette réalité s’inscrit dans des règles, des droits, des institutions qui protègent plus ou moins efficacement des violences et des dols. Utilisons notre agressivité contre le sort qui s’acharne à rendre les choses difficiles en imaginant des solutions pour les défis d’aujourd’hui et de demain, et laissons les guerres d’hier à leurs morts.

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